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Sauvagerie et barbarie, deux concepts coloniaux : le cas d’Haïti.

             Depuis quelques jours, un « débat » bat son plein sur les réseaux sociaux où ceux qui utilisent cet espace en vue d’exprimer leur desiderata ne cessent guère de se positionner de temps à autres. En effet, il s’agit d’un « artiste » plus ou moins connu dans le champ artistique au sens bourdieusien du terme qui tient dans son meringue carnavalesque un propos qualifiant  le peuple de « sauvage ». En un clin d’œil, des critiques et/ou des acquiescements venus de toutes parts se sont brandis tout en mobilisant des cortèges d’argutie dans le cadre de cette affaire. Cependant, nous, nous avons un intérêt historique de placer notre réflexion objective au sein de cette échauffourée conceptuelle constituant ledit « débat ». L’une de nos essentielles motivations consiste à comprendre les raisons pour lesquelles ces mots que nous qualifions de racismes perdurent dans le schème de pensée des haïtiens de la période postrévolutionnaire. Qui pis est, certains « intellectuels » haïtiens acquiescent chaleureusement ces propos déshonorants dudit « artiste ». Toutefois nous ne sommes pas animés par l’émotion en dégageant notre compréhension mais nous cherchons à comprendre et à prendre au mot le discours désarticulé des agents sociaux

 En ce sens, nous nous posons une question fondamentale sur laquelle reposera le corpus de notre  réflexion: comment peut-on comprendre le concept barbarie et sauvagerie dans la modernité ?

Alors il faut dire que cette question sera liée à cette idée si corsée à savoir la représentation d’Haïti dans la lutte pour la remise en question de cet ordre international raciste établi. Ainsi, nous ferons de tout notre mieux d’analyser minutieusement cette réalité-problème susmentionnée à travers ce questionnement.

        En observant l’espace social haïtien qui est configuré par un ensemble de champs, qui du coup entre en lutte systématiquement, il est indéniable malgré tout de  tenir compte de sa relation avec d’autres espaces sociaux. En effet, depuis après la lutte sacramentelle pour l’indépendance de ce territoire, nombreuses sont les stratégies qu’utilisent les vaincus (Napoléon Bonaparte et ses consorts) pour engloutir Haïti. Apres  l’échec cuisant de l’Occident en Haïti sur le plan militaire et du système de pensée, celui-ci use comme arme, au lendemain de l’indépendance, son discours colonial. A ne pas oublier que l’Europe à l’époque possède tout un monopole de savoir, de la connaissance, de la subjectivité et de la richesse ce que Jean Casimir,  a la suite des penseurs décoloniaux, appellerait la matrice coloniale du savoir. Sur ces entrefaites, il est clair que certains haïtiens non précautionneux tomberont dans le guet-apens que ces penseurs leur ont tendu depuis quatre siècles. Surtout, si ces haïtiens (artistes) ne sont pas madrés sur le plan scolaire, ils auront toujours tendance à porter pour vrai  des éléments discursifs désarticulés entachés de racisme et de discrimination. En disant ceci nous pensons aux intellectuels haïtiens (A. Firmin, H. Price, L.J. Janvier) du XIXe siècle qui malgré leur efforts héroïques pour combattre le racisme de Gobineau tombent dans la piteuse pensée évolutionniste et positiviste occidentale. 

Tenant compte de tout ceci, l’usage outrancier et grossier des deux concepts hideux comme sauvagerie et barbarie relèvent le point essentiel qui nous permet de confirmer notre thèse. En effet, nous tenons à dire que sauvagerie et barbarie sont deux concepts qui ont été inventés par les intellectuels occidentaux moribonds face à leur incapacité de procéder à l’intelligibilité au sens de Berthelot du terme de la culture  rencontrée dans d’autres contrées .Nous les qualifions moribonds, car durant la première moitié du XXe siècle certains efforts vont être consentis par des anthropologues d’autres générations comme Pierre Clastres afin de dépouiller l’anthropologie de son versant raciste. Par conséquent, quiconque ose continuellement  les utiliser sans tenir compte de leur charge idéologique et discriminatoire tombe automatiquement dans l’amnésie.  D’ailleurs, comme l’a si bien dit Laennec Hurbon en citant Montaigne, l’Européen ne disposait d’autre point de vue pour distinguer la vérité et la raison que ses coutumes. P.152. Cependant, force est de constater que certains occidentaux continuent de croire qu’ils sont le centre du monde (la pensée). Ils ne cessent guère d’avancer que la raison est hellène l’émotion est negre. Sans tomber dans un fondamentalisme béat, nous estimons qu’il s’avère important de dire que cette pensée malgré qu’elle soit dominante en occident il existe des penseurs (Bourdieu, Edgar Morin  Florence Piron…) qui critique de manière ostentatoire son fondement épistémique.

De plus, tout le long du XIXe siècle est dominé par ce couple hideux dans la pensée occidentale – Civilisation/ barbarie. Les théories racistes (le darwinisme social, l’eugénisme, le monogénisme, polygénisme …) s’érigeaient en norme dans toutes les grandes universités occidentales. L’anthropologie dans sa phase naissante comme seule science à prétention explicatrice des autres cultures réfléchit sur les autres espaces dénommés sociétés tribales leur aident à mieux assoir leur racisme systémique. L’autre est vu comme l’anthropophage, barbare, sauvage, anarchiste. Eux, civilisés, dotés de raison, de démocratie. Hurbon nous dit que mode de séparation pour soi des frontières entre civilisation et barbarie, le cannibalisme est donc aussi un moyen de distinction entre son système de valeur et celui des autres. Celui qui pratique le cannibalisme (ou qui est supposé le pratiquer) l’attribue toujours aux autres. En ce sens  les Anglais, parce qu’ils craignaient que les indigènes ne fussent de dangereux sauvages,  et les Hawaïens parce qu’ils croyaient que les étrangers étaient des dieux tout-puissants. C’est qu’en fait, des lors qu’un système culturel est dissemblable du sien, on est portée à la considérer comme une menace pour son propre système, le sien étant toujours tout système possible. Penser sa propre culture, c’est de quelque façon penser la barbarie à laquelle sa culture s’oppose négativement pour se définir. Quelque part, on suppose toujours un barbare. Mais est-il en soi ? En dehors de soi ? p. 166.

De nos jours, nous avons l’impression que l’occident est pris dans son propre piège. Certaines considérations sont de mise par rapports aux nouvelles découvertes. Les nouvelles théories de la sociologie et de l’anthropologie surtout nous montre que les sociétés mélanésiennes, les habitants des iles trobriandaises, les sociétés africaines possèdent leur propre valeur qui les définissent non seulement en tant que telle mais surtout en dehors du système de pensée de  l’occident. Même les sociétés caribéennes malgré leur contact avec l’occident pendant quatre siècles de colonisation et d’esclavage parviennent à construire une pensée propre et identitaire. Aimé Césaire, jeune étudiant en 1935, en ce sens, avance fièrement dans un article que tant pis pour ceux qui se contentent d’être des Occide par mépris de ce qu’ils appellent du « racisme ». Pour nous, nous voulons exploiter nos propres valeurs, connaitre nos forces par personnelle expérience, creuser notre propre domaine racial, surs que nous sommes de rencontrer en profondeur, les sources jaillissantes de l’humain universel.

    En somme, il n’est plus un secret que depuis la fondation de l’Etat en Haïti,  l’occident utilise toute sorte de subterfuges en vue de discréditer la révolution sacramentelle d’Haïti. En effet, le discours colonial est l’une des armes la plus puissante qu’il use à cet effet. Les concepts barbarie et sauvagerie nous ont permis d’illustrer notre propos. Les occidentaux (ceux du sud surtout) continuent à les utiliser a tort et à travers afin de maintenir leur domination. En sachant que la violence militaire est très couteuse et périlleuse, ils utilisent la violence symbolique. Ils dissimulent tous les autres « progrès » qui existaient dans les autres civilisations (Musulmane, Egyptienne et Autochtone de l’Amérique).  Malgré tout, nombreuses sont les voix qui se lèvent tant dans les espaces occidentaux que ceux non occidentaux  afin de dénoncer a jamais la vision universaliste obsolète caractérisant la pensée occidentale.

                                                                                                            Jaques CHARLES, Etudiant finissant de sociologie a la FASCH

                                                                                                                                  Analyste politique de l’émission An n pale AYITI

                                                                                                                                          Membre du Reseau des Jeunes Bnevoles des

                                                                                                             Classiques des Sciences Sociales en Haiti (REJEBECSS-Haiti)

 

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