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Haïti, la CARICOM et la Caraïbe : une proposition scientifique internationale à découvrir.

L’ouvrage collectif «Haïti, la CARICOM et la Caraïbe», paru sous la direction du professeur le Dr Watson Denis, est d’un intérêt considérable pour quiconque désireux de débusquer les logiques politiques, diplomatiques, économiques, historiques et culturelles à l’œuvre en Haïti et dans la Caraïbe notamment à travers la CARICOM. Combien de fois avons-nous recherché les lumineuses vues d’un universitaire dans un domaine comme celui des relations internationales où il est difficile de rendre intelligible ce champ si complexe et difficile pour le bénéfice de nos compatriotes. Cette publication, qui est soumis à notre appréciation, en est l’exemple patent. C’est pourquoi la pertinence de cette nouvelle contribution scientifique nous invite à y consacrer toute une présentation. À mieux l’examiner, l’on découvre qu’une lecture littérale de l’intitulé du texte ne suffirait pas à engager un débat sur des questions d’économie politique, d’intégration économique et des relations internationales. Ainsi, les aspects spécifiques de la dynamique des relations entre Haïti, la CARICOM et la Caraïbe tant au niveau des enjeux qu’à celui des perspectives ont été amplement décrits. Par ailleurs, des questions qui lient le passé, le présent au futur d’Haïti et des États membres de la CARICOM ont été soulevées. Dans le souci de répondre de manière  éclairante et objective aux différentes questions soulevées ou de mieux appréhender le dynamisme du régionalisme caribéen, le coordonnateur (Watson Denis) s’est fait accompagner des auteurs haïtiens et étrangers dont l’expertise n’est plus à démontrer. Ces derniers nous ont donc conduits à la découverte d’un art de vivre caribéen. Une lecture analytique dudit ouvrage se révèle ainsi plus nécessaire.

Un peu de propédeutique

 Ne voulant pas gâcher votre plaisir de lire le livre, je vais risquer un résumé qui, espérons-le, nourrira probablement votre intérêt pour le présent ouvrage. Haïti, la CARICOM et la Caraïbe contient quatre grandes parties, comprenant chacune 4 chapitres, qui s’étendent sur 502 pages, parfaitement imprimées. Avant l’introduction, le coordonnateur (Watson Denis) a rendu un vibrant hommage aux caribénistes haïtiens et a salué la mémoire du Dr Norman Girvan, un citoyen de la Caraïbe qui est un témoignage de reconnaissance des travaux desdits chercheurs. Est caribéniste, nous  décrit Watson Denis, «un ou une spécialiste de la Caraïbe, de la région des Caraïbes ou de la grande Caraïbe et quelqu’un ou quelqu’une ayant la conscience d’être un membre de la communauté caribéenne en général». À titre d’exemple, le professeur des relations internationales évoque certaines figures de la pensée haïtienne par ordre de naissance : Anténor Firmin, Leslie F, Manigat, Gérard Pierre-Charles, Suzy Castor, Mirlande Manigat et Jean Casimir. Le Dr Norman Girvan a également eu un hommage bien mérité puisqu’ il a été une grande figure de la région des Caraïbes, un citoyen honorifique de la Caraïbe, un anticolonialiste, un nationaliste caribéen et un partisan convaincu de l’intégration régionale. Le Dr Girvan a dit croire que le résultat de l’intégration régionale est plus fort que la somme de ses différentes parties.

Comme nous venons à peine de l’énoncer, l’ouvrage  contient quatre parties.  La première partie a pour titre : Haïti au sein de la Caraïbe et de la CARICOM. Des auteurs et contributeurs tels que : Watson Denis, Louis Marc Bazin, Thomas Lalime et de Frantz Bernard Craan, nous livrent respectivement en quatre chapitres une historicité du mouvement d’intégration dans la région caribéenne, l’évolution et les structures de fonctionnement de la CARICOM et de l’intégration d’Haïti au sein de cette organisation sous régionale ; l’ensemble des options possibles à adopter par l’État haïtien pour réussir son intégration à la CARICOM ; les perspectives utiles pour une nouvelle économie politique en Haïti et une description de la vision du secteur privé haïtien des affaires sur l’intégration d’Haïti au sein des organisations internationales en général et au sein de la CARICOM en particulier.

Dans la deuxième partie qui s’intitule Problématique haïtienne, émergence et évolution de la CARICOM et stratégies de développement dans la région des Caraïbes, Chenet St-Vil (coordonnateur général de BACOZ) fournit des informations relatives à la problématique commerciale d’Haïti au sein de la CARICOM. À partir des réflexions relatives à l’intégration régionale d’Haïti, l’économiste Narcisse Fièvre a de son côté présenté une description poignante des conditions socioéconomiques d’Haïti au regard des autres pays de la région.  Pour sa part, le professeur Watson Denis nous donne une idée de l’évolution de la pensée économique dans la Caraïbe anglophone et les tentatives de développement initiées dans le monde caribéen dans son ensemble. Mark Kirton, professeur de relations internationales, a mis un terme à cette partie en proposant un titre assez provocateur qui traduit les changements enregistrés dans l’hémisphère américain : l’Amérique latine et les Caraïbes dans son contexte hémisphérique changeant.

 La troisième partie a pour titre : CARICOM, Cariforum et la géographie politique dans les Grandes Antilles.  Quatre auteurs y ont analysé les relations existantes entre la CARICOM et les quatre Grandes Antilles. Mirlande Manigat décrit amplement le processus d’intégration d’Haïti à la CARICOM dès la demande d’admission formulée par le président  Jean-Claude Duvalier, le 6 mai 1974. Après avoir dressé le bilan de l’intégration d’Haïti à la CARICOM, la politologue a posé de nouveaux jalons et a tenté de dégager des perspectives pour une présence méliorative. Succède à la juriste Jacqueline Laguandia Martinez, qui détient un PhD en économie à l’Université de la Havane, a laissé une contribution d’une richesse inouïe : Cuba- CARICOM relations . An example of solidarity and south-south cooperation. Les relations entre CUBA et la CARICOM sont analysées et présentées dans son article comme un exemple de solidarité et de coopération Sud-Sud. D’un autre côté, Ivan Ogando Lora, spécialiste en intégration et relations économiques internationales, présente une historicité des relations politiques entre la République dominicaine et la CARICOM. Pour l’économiste dominicain, le bilan chronologique de ces relations est l’expression d’une relation d’amour et de désamour. La proposition qui met fin à cette partie est développée par Raymond Laureano Ortiz. L’historien nous livre des notes relatives à l’historicité d’une relation en suspens, c’est-à-dire les relations entre Porto Rico et CARICOM, qui soit manifestement l’expression d’une relation non aboutie.

La dernière partie a pour titre : Caraïbe, multilatéralisme et relations internationales. D’emblée, le professeur Watson Denis explique comment les États caribéens et les nouveaux indépendants de l’Asie et de l’Afrique (issus du processus de décolonisation) ont profité du multilatéralisme pour s’intégrer dans des Organisations internationales(OI). Les OI sont en effet des instruments de politique étrangère des États.  L’émergence des OI dans la grande Caraïbe est aussi expliquée avec le plus grand soin possible. Toujours dans cette même perspective, l’ancien ambassadeur en Amérique latine, en Europe, ancien représentant permanent auprès de la Communauté économique européenne (CEE) et de l’ONU, M. S, Rudy Insanally, a décrit le contexte global de la question du multilatéralisme.  Son article s’intitule : « Le multilatéralisme dans les relations internationales : anciennes pratiques et nouvelle promesse ». Le docteur en histoire à l’Université de Princeton, États-Unis d’Amérique, Antonio Gaztimbide a dans son article initulé «Del buen vecino a la policica sin nombre : Estados Unidos hacia Americana latina y el caribe desde 1950» étudié les relations politiques et diplomatiques entre les États-Unis d’Amérique et les nombreuses entités géographiques de la Caraïbe.  Le dernier chapitre (6) du livre est écrit par Renauld Govain. Pour le linguiste, la Caraïbe est une région multilingue et multiculturelle où sont pratiquées des langues indo-européennes appartenant à des groupes linguistiques divers. Une telle diversité fait que le besoin d’intercompréhension  et d‘échanges   dans la zone est plus que manifeste. La contribution de Govain entend proposer la création d’une créolophonie intégrative caribéenne institutionnelle au sein de laquelle émergeront des institutions  mettant en valeur les expériences créole partagées    .    

En guise de conclusion               

 Je veux d’abord souligner que le titre de l’ouvrage traduit parfaitement son contenu : HAITI, LA CARICOM ET LA CARAIBE. Questions d’économie politique, d’intégration économique et des relations internationales. Il importe en outre de noter qu’en général et de manière répétitive, on confond l’Association des États de la Caraïbe (AEC) et la CARICOM. Cette nouvelle publication enlève de façon précise ce genre de confusion.  En effet, on  dénombre une riche littérature sur la CARICOM qui existe presque exclusivement en anglais. Cependant, l’historiographie haïtienne ne connaît pas encore des ouvrages de vulgarisation sur la CARICOM en français qui sont publiés en Haïti. Reconnaissons toutefois que les écrits traitant de l’économie haïtienne et le développement du pays sont légion. Qu’en est-il toutefois des écrits  abordant les relations économiques internationales d’Haïti ou  Haïti et l’intégration économique régionale ? Dans une telle perspective, on dénote un vide. Le vide est bel et bien institué.  Disons, plutôt, sans crainte de se tromper un manque. L’ouvrage tente de combler ce vide dans l’historiographie haïtienne. Il répond également à des questions que nous avons l’habitude de nous poser en général à l’égard de la CARICOM, dans les relations avec Haïti et la Communauté internationale. En définitive, je conseillerais à tous ceux (intellectuels, politiques, diplomates) qui aiment ou qui veulent comprendre les expériences d’intégration caribéennes, le multilatéralisme et les relations internationales, l’intégration d’Haïti à la CARICOM d’en procurer un exemplaire.

Référence de l’ouvrage : DENIS Watson (sous la direction de), HAITI, LA CARICOM ET LA CARAIBE. Questions d’économie politique, d’intégration économique et des relations internationales, Port-au-Prince, C3 Éditions, 2018.

Paris,  le 3 novembre  2018

Petit Frant IBREUS, Administrateur public/Sociologue/Cadre de la Direction des Relations Economiques et de la Coopération du Ministère des Affaires Etrangères.

N.B.- Une première publication de cette publication a été faite  le 2018-08-21 | Le Nouvelliste

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