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Compte-rendu de lecture critique

 

Maryvonne Charmillot, Penser l’écriture de la science

Docteure en sciences de l’éducation axée sur une orientation socio-anthropologique et diplômée en étude du développement, Maryvonne Charmillot est actuellement maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Genève. Ses domaines de spécialisation sont les suivants : épistémologie et méthodologie de l’éducation et de la formation, éducation à la santé, expérience de la maladie. Ses travaux soutiennent l’accès libre et universel aux productions scientifiques, d’où la publication de plusieurs articles scientifiques parmi lesquels : « penser l’écriture de la science».

Dans cet article, l’auteure soutient la thèse selon laquelle « penser l’écriture de la science […] c’est inviter chacun et chacune à prendre acte, à sa manière et dans la mesure de ses possibilités, de l’existence des effets de ses textes ». Les arguments soutenant cette affirmation sont centrés autour de trois points : la pluralité des théories en sciences sociales, le silence figurant comme une tare pour l’écriture scientifique auquel il faudrait remédier par un retour à la fonction créatrice des écrits du scientifique social.

Posant comme postulat qu’ « il n’y a pas une forme ou un style d’écriture unique qui rassemble les recherches en sciences sociales, en raison, notamment, des différentes postures de recherche qui composent le paysage épistémologique », l’auteure invite le chercheur à opérer un positionnement théorique au travers de ses écrits. C’est dans la même logique que Jean-Louis Fabiani atteste qu’ « il n’existe pas en sciences sociales de théorie unifiée qui serait acceptée telle quelle par l’ensemble des producteurs ». L’atteinte d’un « accord épistémologique » relève de l’idylle. Le désaccord épistémologique ou encore, la « pluralité théorique » fait office de matrice de la « fécondité intellectuelle » donnant ainsi aux scientifiques sociaux l’occasion de faire preuve d’innovation. D’où la perception de l’écriture par l’auteure comme une « forme de production de la réalité » et partant la « posture responsabilisante » qu’il revient à chaque lecteur d’adopter.

Toutefois, il est noté un revirement de démarche dans la production scientifique. Selon l’auteure, les sciences humaines et sociales ont substitué «leur fonction critique et de production de savoirs » à celle de « la réification et la reproduction ».  La résultante en est le silence de l’écriture scientifique. Un fait qui porte atteinte à la portée de l’écriture du chercheur dont la finalité est appelée à être créatrice. Cet état des choses cantonne l’écriture dans la sphère laborantin ne parvenant pas ainsi à l’objet central de la sociologie, c’est-à-dire l’homme. Selon Michel Beaud, « toute pensée figée est une pensée morte ». Il est question de laisser libre court à la pensée afin que cette dernière se répande en dehors des sentiers spécialisés pour s’implanter en diverses couches sociales pour y prendre vie, être animée et s’épanouir. C’est dans la même optique que l’auteure prône la considération du positivisme dans son sens premier ; notamment, faire preuve de largesse quant à la cible des consommateurs des productions scientifiques. Selon Alain Caillé, il est question de ne plus produire des discours de plus en plus spécialisés ne s’adressant qu’à des spécialistes. L’enjeu est celui de briser la routine, « de mettre fin à cette autoreproduction infinie et de remettre de la pensée là où elle semble avoir disparu, c’est-à-dire, notamment, dans les textes des chercheurs ».